Visions tibétaines, pour piano solo (2008-2010)

Encore en cours de composition, les “Visions tibétaines” compteront cinq pièces. Actuellement, trois visions sont terminées: “Souffles”, “Le Chant du cerf-volant”, et “Before, during and after death experience”. Mes “Visions tibétaines” sont dédiées à Denis Pousseur.  

 

Mandala de Kalachakra (Tibet)
 
“Souffles” (méditation sur les souffles et la circulation des énergies) est inspiré de ce que les tibétains appellent “Chiné” (“shamata” en sanskrit): la pacification mentale. Cette technique de méditation consiste dans un premier temps à se concentrer sur sa propre respiration. La pratique quotidienne de chiné permet de dissiper les pensées qui polluent l’esprit, de rendre celui-ci serein, vif, malléable et disponible. Ensuite, “Laktong” (“vipassana” en sanskrit), la vision profonde, peut être abordée. Cette seconde attitude est celle qui consiste à contempler, analyser son propre esprit (“sem” (tib.), à connaître son fonctionnement. Pacification mentale et vision profonde sont deux faces d’une même pièce. Dans son état primordial, la nature de l’esprit est une avec toute chose, indifférenciée, personnelle et impersonnelle, impermanente, pure vacuité. La nature essentielle de l’esprit est appelée “rigpa” (tib.). On la comparable souvent à un océan sans vagues, un ciel sans nuages. Au niveau musical, j’ai transposé cette idée de souffle par un phrasé qui rappelle un rythme de va-et-vient plus ou moins régulier. La densité et la vitesse des notes correspond à la fluidité plus ou moins grande des respirations sucessives.
 

Le “Chant du cerf-volant” (méditation sur l’impermanence) est tout empreint de calme et sérénité, mais ponctué ça et là de fulgurantes apparitions, de brefs jaillissements de lumière.

Toute chose est amenée à changer, se transformer, puis disparaître un jour. En cela consiste l’impermanence. L’évolution de chacun des éléments de cette pièce suit un cheminement analogue: apparition, dissolution, transformation, réapparition, disparition…

J’ai créé dans cette pièce une analogie aux sonorités produites par une corde de cerf-volant au gré du vent, aux vibrations riches en harmoniques perpétuellement changeantes, à l’instar des chants des moines tibétains. Cette approche du son nous incite à prêter l’oreille surtout aux résonances des cordes du piano, aux harmonies et sous-harmonies, aux transformations de timbres, aux échos, à l’espace, à la vie interne de la matière sonore. Cette œuvre nous invite à lâcher prise, à rompre (métaphoriquement) avec ce dernier fil qui nous raccroche aux choses. Jean-Pierre Delens fut le premier à jouer en concert le “Chant du cerf-volant”.

 

 

 

 

 
“Chant du cerf-volant” (méditation sur l’impermanence) par Laurent Pigeolet.

 

 

“Before, during and after death experience” fait référence aux RMI ou NDE (near death expériences), ainsi qu’au Bardo Thödol (Le livre Tibétain des morts). Ce document attribué à Padmasambhava (IX s), considéré comme le second Bouddha par les tibétains, relate avec précision les différentes étapes que le défunt rencontre après avoir rendu son dernier souffle. La lecture de ce livre à l’oreille de la personne décédée peut lui permettre d’atteindre la libération. Ce texte a déjà été plusieurs fois mis en musique, notamment par Pierre Henry, dans sa magnifique oeuvre électroacoustique “Le voyage”.

La version que je propose suit assez précisément le parcours suivi par le défunt, il en est la métaphore sonore. Chaque tableau se distingue des autres par son atmosphère, sa texture. Le plus souvent les uns s’enchaînent dans les autres. Successivement: – Le trépas. – Dissolution des sens: en relation aux éléments: terre-eau-feu-vent-espace. – Les gouttes subtiles se rejoignent au niveau du chakra du coeur. – Lumière lunaire-luminance. – Lumière solaire-radiance. – Lumière obscure-imminence, vision rétrospective de la vie menée. – Réalité ultime de la nature de l’esprit, non-dualité, connexion et résonance avec l’univers     entier, lumière infinie,   myriades d’entités de vie, ubiquité. – Confrontation avec le karma: visions de divinité paisibles, divinités féroces. – Toutes les étapes en sens inverse jusqu’à la renaissance.

 

 
“Before, during and after death experience” (méditation sur la mort et la renaissance) par Laurent Pigeolet. Image: Jerome Bosch, Le jugement dernier.

 

 

Ouvrages de référence:

 

L’éveil du Bouddha/Tom Lowenstein. Ed Sagesse du monde.

Tibet, la roue du temps: pratique du mandala. Ed Actes sud.

Connaître l’esprit: selon le bouddhisme tibétain/Lati Rinpoché. Ed Vajra Yogini.

Comment méditer/Kathleen MacDonald. Ed Vajra Yogini.

Le Manuel de méditation/Ghéshé Kelsang Gyatso. Ed Tharpa.

A coeur ouvert: méditation et développement des quatre pensées infinies/B.Alan Wallace. Ed Kunchab.

Chants de la vision pure: une anthologie de la poésie mystique tibétaine. Ed. Kunchab.

Tchenrezi: clés pour la méditation des divinités/Bokar Rinpoché. Ed Claire lumière.

L’himalaya bouddhiste/Matthieu Ricard, Olivier et Danielle Föllmi. Ed de la Martinière.

Yoga tibétain: yoga de l’intériorité/Kalou Rinpoché. Ed Kunchab.

Soûtra du Diamant: et autres Soûtras de la voie médiane. Ed Fayard.

Le lumineux destin d’Alexandra-David-Neel/Jean Chalon. Ed Poche.

Le livre tibétain de la vie et de la mort/Sogyal Rinpoché. Ed de la table ronde.

Le livre des morts tibétain/Robert A.F.Thurman. Ed Le livre de Poche.

Siddharta/Hermann Hesse. Ed le livre de poche. Netchung, l’oracle du Dalaï-Lama/Thubten Ngodup. Ed Presses de la Renaissance. Mémoires d’un moine aventurier tibétain/Tashi Khedrup-Hugh Richardson. Ed Picquier poche.

Chemins spirituels: petite anthologie des plus beaux textes tibétains/Matthieu Ricard. Ed Nil.

 

 

 

Films de référence:

 

Little Bouddha/Bernardo Bertolucci.

Sept ans au Tibet/Jean-Jacques Annaud.

Kundun/Martin Scorsese.

Himalaya: l’enfance d’un chef/Bruno Valli.

Le message des tibétains: le vrai visage du tantrisme/Arnaud Desjardins.

La vie de Bouddha/Martin Messonnier. Zen/Takahashi Banme.

 

 

 

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