Orgue

L’orgue a toujours été mon instrument favori. Cela peut paraître curieux pour un pianiste. J’eu mon premier coup de foudre pour cet instrument en écoutant la 3e symphonie de Saint-Saëns. J’avais alors 7 ans et jamais encore je n’avais ressenti de tels frissons me parcourir tout le corps en écoutant de la musique. Cela était renforcé sans doute par les conditions d’écoute: José Pigeolet, mon père, alors professeur d’esthétique et de dessin scientifique à l’école secondaire Saint-Stanislas à Bruxelles, avait réalisé avec ses élèves un montage diapositives sur le thème de l’architecture de la capitale. Lors du final de la symphonie, une image d’un building surgissait à chaque accord d’orgue. L’impression de puissance était saisissante. Peut-être mes sensations synesthésiques viennent-elles de là, ainsi que mon attirance pour les cathédrales, et…mon aversion pour les accoustiques sèches. L’extrait video humoristique que je vous ai proposé ci-dessus contient la version de la symphonie avec orgue de Saint-Saëns que je préfère: il s’agit du Chicago orchestra, sous la direction de direction Daniel Barenboïm, en duplex avec Gaston Litaize aux grandes orgues de la Cathédrale de Chartres, que j’ai visitée à plusieurs reprises. Cette musique me parait fort pompeuse maintenant, mais je comprends que les timbres, les plans sonores et le dialogue avec l’orchestre m’aient transporté lorsque j’étais enfant. A vrai dire, lorsque j’entendis ce Final à l’époque, je ne savais même pas ce qu’était un orgue, et que ça se trouvait dans les églises! Lorsque trois ans plus tard ma mère m’inscrivit à l’Académie, à mon regret on me dit que je devais d’abord commencer par le piano. Sur les bancs de l’école à Wavre, je regardais sans cesse par la fenêtre qui donnait sur l’église, et songeais à son buffet muet, à mon grand désespoir. Je réalisai un petit orgue en bois que je sculptai patiemment. Ma mère me conduisit auprès de l’organiste de mon village: Jules Duerinckx. Ayant chanté dans la chorale étant petite, maman le connaissait bien. Je lui montrai mon bricolage et, stupéfait, il me conduisit immédiatement au jubé de l’église d’Hévillers. Le petit orgue de 12 jeux, un clavier et un pédalier me ravissait: ses timbres sont parmi les plus beaux du Brabant-Wallon. Le vieux musicien m’adopta aussitôt.   Les grandes orgues de la Cathédrale de Chartres Pendant longtemps je vins patiemment à la messe uniquement pour pouvoir jouer quelques minutes après l’office (et oui, j’ose le confesser!)… 20 ans plus tard, je donnai un récital (de piano!) pour la restauration de l’orgue de Wavre. Plus tard, je ne manquai évident pas son inauguration par Michel Chapuis: un régal. Plus tard je remplaçai le vieil organiste d’Hévillers que j’aimais tant et qui m’apprit tant de choses. C’était un amateur passionné qui parlait de musique avec tant d’engouement et qui me répétait aussi sans cesse: ne joue pas trop vite, pas trop vite!… Ce n’est qu’à l’âge de 17 ans que je me remis à l’orgue à l’Imep. Bien que j’étais inscrit en piano, je travaillais davantage mon second instrument, au grand désespoir de Tatiana Evdokimova. J’hésitai à étudier l’orgue en premier instrument mais les cours d’écriture rigoureux imposés aux organistes me rebutaient, et Tatiana Evdokimova m’apprenait énormément de choses au piano, c’était une sommité musicale, qui avait aussi une patience d’ange. Les deux dernières années, je me consacrai davantage au piano car la perspective de l’obtention du premier prix était très exigeante. Mes professeurs d’orgue à l’Imep furent Léon Kerremans et Firmin Decerf, deux musiciens éminents eux aussi, et à qui je dois beaucoup. J’abordai des oeuvres de Jean-Sébastien Bach, Dietrich Buxtéhude, Max Reger, Johannes Brahms, Jehan Alain, Herbert Tachezi, Geörgy Ligeti, etc… Le présent enregistrement a été réalisé à l’église Saint-Servais à Schaerbeek. L’orgue de Saint-Servais est le plus grand de Bruxelles, avec celui de la Cathédrale Saint-Michel, et un des plus beaux de Belgique également. Il comporte 4 claviers et 76 jeux. Leon Kerremans en est le titulaire, et il m’invita très aimablement à y enregistrer une pièce de Jean Langlais, c’était le 29 avril 1989, j’avais 19 ans:

Jean Langlais: Hommage à Frescobaldi: V: Fantaisie, par Laurent Pigeolet:  

  A partir de la troisième année d’études à Namur, j’étudiai avec Firmin Decerf à la Cathédrale de Namur. Firmin Decerf est connu surtout pour ses improvisations époustouflantes. J’avais 20 ans (et tous mes cheveux:) (voir video)) lorsque j’interprétai une pièce d’Olivier Messiaen dont le titre est presque aussi compliqué que la pièce elle-même: “Transports de joie d’une âme devant la gloire du Christ qui est la sienne”.  Pas étonnant que je faisais fuir tous mes camarades de classe en la jouant. Moi qui pensais que c’était à cause de la modernité de la musique!…  

 

Olivier Messiaen: extrait de l'”Ascension” pour orgue: “Transports de joie…” Par Laurent Pigeolet. Registrante: Annick Fraiture. Eglise Sainte-Julienne, Namur, 1 mai 1990. Image: Marc Chagal: L’Ascension, Cathédrale de Reims.
 
Et la même année: 

 

 

 
François Couperin: extrait de la “Messe des paroisses” par Laurent Pigeolet à l’Eglise Saint-Pierre de Bastogne, registrant: Firmin Decerf. Vous apprécierez les sonorités splendides de l’orgue dont Firmin Decerf est le titulaire, ainsi que l’architecture magnifique du lieu. Image: Nef et orgue de l’Eglise Saint-Pierre de Bastogne.
 
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